past life
HEXENBIEST FAMILIENUn petit peu d’histoire sur la famille Hexenbiest pour comprendre d’où viennent leurs traditions ancestrales et la puissance de ces femmes et ces hommes. Les Hexenbiest viennent d’un Coven installé dans la Forêt Noire en Allemagne depuis le huitième siècle. Les femmes dirigeaient et les hommes se devaient d’obéir, ce sont les hommes qui prennent le nom de leur épouse selon les traditions anciennes. Il semble que c’est toujours le cas avec les petits groupuscules qui persistent à l’heure actuelle. Les sorcières et les sorciers de ce Coven pratiquaient souvent des sacrifices humains et animaux lors de leurs rituels. Littéralement Hexenbiest signifie « sorcière bestiale ». C’était le nom des dirigeants du Coven, fut-il une époque non lointaine, avant les tragiques événements qui ont secoué le XXe siècle. Pendant la première Guerre Mondiale, les Hexenbiest se sont enfuis de l’Allemagne pour rejoindre le Coven de Black Waters, un petit village en Irlande où ils se sont installés en tant qu’ensorcelleur de mère en fille ; jusqu’à ce que Claudia Hexenbiest et son époux Conrad ne finissent par être tués dans des circonstances toujours non élucidées ; laissant leur fils orphelin et sans réponses.
ZWÖLFTE JUNI 2008La vue semble spectaculaire au premier abord, perché sur le haut d’une falaise, le jeune homme regarde l’horizon de cette mer déchaînée qui évoque en lui des besoins irrépressibles de voyages lointains. Pourtant, enchaîné comme il l’est à cette vie de magie, il ne peut décemment tourner le dos à ses obligations et à ses devoirs de sorciers en plein apprentissage. Ses doigts encore frêles frôlent les franges de cette fantastique falaise qui surplombe de très haut un vide incommensurable qui s’étend sous ses pieds. Le vent frais fouette les traits de son visage, balayant les mèches blondes de sa chevelure dans tous les sens, caressant le teint blafard de sa peau blanche.
Il aurait dû le sentir arriver plus tôt. Des mains agrippent ses épaules et il reçoit un coup à la tête, tombant dans le noir de l’inconscience tandis que son corps est traîné dans les bois sans qu’il ne puisse réagir d’une quelconque façon.
C’est la douleur qui le fait sortir de cet état catatonique, une corde autour du cou et les pieds dans le vide. La pendaison, et le pire c’est qu’il ne voit pas le visage de ceux qui lui ont fait cet affront. Il ne parvient plus à réfléchir, son cerveau commençant à manquer d’oxygène tandis que ses mains tentent tant bien que mal de lui offrir un peu d’air en tirant sur cette corde qui lui lacère et lui brûle le cou. Suffoquant, ses pieds secouent l’air qui lui sert de support, et cette douleur lancinante qui lui tiraille la nuque menace de lui faire perdre pied.
Il se réveille en sursaut, entendant des hurlements dans la pièce, son professeur est entrain de fulminer sur des novices tandis que Joséf tente de reprendre son souffle, la douleur étant bien présente.
– Vous rendez-vous compte de votre bêtise ? Vous êtes complément irresponsables, vous auriez pu le tuer avec cette formule !
Joséf se relève tant bien que mal tout en murmurant des mots en latin ; sa main se lève pour contrôler une bûche enflammée dans la cheminée avant qu’il ne la fasse voler sur celui ayant fomenté cette histoire, lui délivrant une correction qu’il mérite amplement.
– Le prochain qui recommence, je le brûle en entier, qu’il gronde entre ses dents en regardant ses complices.
Et le plus impressionnant semble être le précepteur qui le regarde avec cet air de connivence, ne disant rien de plus car ce n’est pas nécessaire. Il sait très bien que ce genre de conflit doit se régler de la sorte, et pourtant, les garçons ayant fait cela seront encore plus sévèrement punis par la suite par le conseil de l’Académie.
ZWANZIGSTE NOVEMBER 2010L’heure est enfin arrivée et c’est sous les yeux de sa famille et de son Coven, que ses pas le guident vers le livre d’Hadès qu’il va enfin pouvoir signer de son nom et de son sang pour se lier à lui et pour vouer sa vie entière au reste de son Assemblée : à ses frères et à ses sœurs. Joséf n’a aucune crainte, n’a aucun doute : son existence entière est gouvernée par la magie et par cette appartenance à cette communauté qui vit en marge des autres. Le blondinet alors âgé de seize ans attrape la plume délicatement ciselée et décorée et pique le bout de son doigt avec pour commencer à écrire son patronyme entier et le parapher.
Ce n’est que deux heures plus tard qu’un petit animal vint à sa rencontre, sans qu’il ne le veuille, un pelage d’un roux délicat parsemé d’une rayure noire au niveau des yeux ; le lien s’établit de lui-même entre eux deux. Le petit écureuil répondait au nom de Ellie, et elle semblait radicalement correspondre à sa psyché et à sa façon de penser. Il en fit son familier, la bête chargée de le protéger et de le guider lorsque la route est trop sombre, même pour une créature vouant sa vie au seigneur noir. Depuis cet instant, il n’est pas rare de la voir grimper dans ses cheveux ou se loger dans le creux de ses clavicules.
DRITTE APRIL 2015Les présages n’étaient pourtant pas funestes, l’auguste n’avait pas prévu qu’une telle chose allait se produire. Pourtant, la crevure dans l’espace-temps fut ignoble. Son cœur fut transpercé par une douleur inimaginable, comme celles qu’infligent les vaudous à travers leurs poupées de malheur. Joséf à genoux dans la forêt alors qu’il récupérait simplement des herbes pour des décoctions prévues pour des rituels à venir. Les larmes roulent sur ses yeux tandis qu’il se met à hurler à pleins poumons, brisant le silence de la forêt, son cri poussé par la magie à travers tout l’espace des arbres. Il s’effondre à terre, cherchant à reprendre son souffle alors que cette trace rouge réapparaît autour de son cou.
Ellie dans les branches le regarde avec ses petits yeux noirs compatissants, ayant vite compris ce qui vient de se dérouler.
– Joséf, ils ne sont pas loin.
Il se relève après avoir vomi de la bile afin de se mettre à courir en titubant à travers bois pour rejoindre le lieu indiqué par son familier, ce n’est qu’une fois arrivé qu’il voit leurs corps étendus au sol, leur visage exprimant une terreur qu’il ne leur a jamais vu.
– Nein… papa, mama…
Il ne réfléchit à rien d’autre qu’à leurs yeux grands ouverts et c’est à ce moment-là qu’une vague d’énergie pure incontrôlable qui déracine les arbres autour de lui. Une colère sourde s’empare de lui alors que sa magie commence à se tarir, son énergie avec lui, n’étant pas habitué à un tel déferlement.
Alors qu’il regarde leurs corps, il remarque que leurs cous ont été lacérés de part et d’autre, laissant l’imagination comme seule expectative de ce qui a bien pu se dérouler. Impossible de savoir. Il s’approche de sa mère et de son père et pose une main sur leurs torses pour tenter de rentrer en contact avec eux, or cela ne fonctionne pas. Comme si leurs âmes avaient été détruites ou ne voulaient pas converser.
– Ellie, hol Hilfe.
Il s’agit d’un ordre qu’elle ne contestera pas. Il ne pourra pas transporter leurs corps tout seul, et il ne veut pas les laisser dans la forêt alors que le tueur peut revenir à tout moment. Serrant les dents et se refusant à pleurer, Joséf essaye de comprendre, se jurant qu’il n’aura de cesse de chercher la vérité pour se venger, et il n’y a rien à parier que le tueur a déjà un pied dans la tombe.
EINUNDDREIßIGSTE OKTOBER 2019Samhain, le jour de la fin de l’année. Joséf y essaye tous les ans depuis le décès de ses parents de rentrer en contact avec eux. Sans résultat à chaque fois. Il a beau essayer tous les rituels et toutes les incantations possibles, jamais cela n’a fonctionné. Pourtant, il s’agit du jour où la frontière entre morts et vivants est la plus fine de l’année.
Cette année, il la passe reclus dans la forêt, assis sur l’humus humide, les yeux fermés en essayant de nouvelles formules qui n’ont jamais été essayées ou même créées, cherchant à dépasser le champ de compréhension de la sorcellerie actuelle. Après avoir entaillé la paume de sa main droite et utilisé son sang comme peinture sous ses yeux, il se concentre sur le latin qu’il prononce à demi-mots.
– Tempus fugit, capio tempus. Intro in tempore, exibo tempore.
Une légère brise vient secouer ses cheveux, mais il ne se passe absolument rien. Comme à chaque fois qu’il tente quelque chose de nouveau.
– Scheiße !
Il se relève avant de presser un bandage sur sa main tout en shootant dans un caillou. A chaque fois c’est la même rengaine, il n’y a rien de nouveau, cela fait pourtant cinq ans qu’il teste sans relâche de nouvelles formules, de nouvelles méthodes. Même le reste du Coven ne parvient pas à entrer en contact avec ses parents. Leurs âmes semblent avoir été bannies. Et il est du même avis que tous les autres : ne pas invoquer Hadès pour demander, ce serait faire preuve d’une faiblesse inutile. Les autres ayant abandonnés, pas lui, il se tue petit à petit face à cette tâche beaucoup trop grande pour un seul homme.