past life

Une définition du bonheur
Jesse est né d'un père anglais et d'une mère ayant elle-même des origines italiennes de son père. Le jeune garçon a hérité de quelques traits de ce côté de la famille, ainsi que d'un caractère expressif, jovial, et d'une facilité à créer des liens avec les autres. Son enfance fut assez classique, il fut entouré, élevé dans les règles de respect, de politesse et de bienséance nécessaire. Il était fils unique et faisait la fierté de ses parents. Ce fut un adolescent classique, qui a fait ses bêtises, qui a eu droit à ses remontrances, mais qui n'a jamais franchi les limites outre mesure, et qui a su poursuivre ses études en même temps qu'il a pu découvrir les plaisirs de la vie. Son choix de métier, professeur, a quelque peu surpris ses parents, mais ils en furent ravis. Ce n'est qu'après quelques années en poste et après quelques aventures, qu'il rencontra Leina, par l'intermédiaire d'un de ses collègues, qui fut pour lui le plus bouleversant des coups de foudre. Le seul, l'unique, en fait. Elle tenait une bijouterie dans le centre ville, elle était douce, drôle, elle avait su garder un esprit enfantin qui le faisait totalement fondre. Lorsqu'il croisait son regard, le temps s'arrêtait, ce qui l'entourait devenait flou, elle le captivait. C'était comme s'il n'avait vécu que pour la rencontrer, comme si tout à coup il réalisait que son monde n'avait été qu'en noir et blanc, et soudainement, elle venait d'y mettre de la couleur.

L'équilibre fragile de la vie
Cinq ans plus tard, Jesse et Leina étaient mariés, ils avaient une petite maison, modeste mais divinement agréable dans le quartier sud de Black Waters, et projetaient très sérieusement d'avoir un enfant. Une vie simple, une vie « comme tout le monde », mais qui lui convenait. Il n'y avait ni obstacles, ni difficultés, au-delà de celles du quotidien de tout le monde. Cependant, les titres des journaux ne parlent pas seulement des autres. La chance tourne, parfois elle nous quitte et semble alors s'abattre sur nous une colère divine.
C'était pourtant un jour comme un autre, ni meilleur ni moins bon. Jesse avait appelé sa bien aimée durant sa pause déjeuner, comme à son habitude. Ils s'étaient parlé, la discussion était plutôt classique, banale dirons-nous. Puis il avait fini sa journée de classe et était monté dans sa voiture. Lorsqu'il alluma le moteur, la radio se mit en marche sur la station d'information qu'il écoutait tous les matins. Il tendit la main pour changer et mettre de la musique, mais il stoppa son geste car le contenu venait de capter son attention. « Bijouterie / braquage ». Il ne lui fallu pas plus de temps pour que la peur s'empare de lui et qu'il file à la boutique de sa femme. Sur le chemin, il se rassurait. Il y avait quand même peu de chance que ce soit CETTE bijouterie. Quand bien même le braquage aurait eu lieu, elle va probablement bien... Des phrases qui tournaient en boucle dans sa tête... et qui disparurent aussitôt qu'il arriva à l'entrée de l'avenue, barré par des voitures de police et des ambulances. La gorge sèche, le geste fébrile, il descendit de voiture et tenta d'approcher. On le stoppa. Il ne se souvient plus qui, ni les mots échangés. La peur avait rendu ce souvenir brumeux. Pourtant, il envahit encore son esprit dès qu'il ne peut, dès que celui-ci n'est pas assez occupé et qu'il divague dans des pensées sombres. Il se souvient par contre parfaitement des odeurs, des sirènes et d'un brouhaha incessant qui lui donnait le tournis. Il se souvient aussi parfaitement, trop parfaitement, du corps de sa femme allongée sur un brancard, le trou d'une balle de pistolet au milieu du front.

Alcool, abandon de son métier, vente de la maison... La destruction de tout ce qu'il avait créé de sa vie, en quelques jours. Les souvenirs étaient trop présents pour qu'il garde le même logement, il avait même pensé à changer de ville. La vente de leur bien lui a permis, malheureusement, de passer presque un an en ermite dans un petit garage qu'il louait en centre ville. Puis, il réalisa que soit l'alcool finirait pas le tuer d'une manière lamentable, soit il pouvait au moins tenter d'avoir un semblant de vie. Il réaménagea ce garage en petite salle de boxe, et ce fut la première étape de guérison. Rien de bien exceptionnel : il avait son lit, un frigo, une gazinière, une petite table et quelques chaises dans un coin, et dans l'autre coin de la pièce, un sac de frappe, un peu de matériel léger, et un peu de place pour bouger. Il se débarrassa de sa tignasse, de sa barbe et de sa crasse, alla acheter des vêtements corrects, puis, en quelques semaines, parvint à retrouver un rythme de vie plus classique. Pour finir, il se fit embaucher comme barman dans un club de la ville. Étrange choix de reconversion pour un enseignant ? C'est vrai. Mais dans l'état actuel des choses, cela lui convenait car il avait la possibilité de voir du monde (or l'être humain en a besoin)....sans jamais tisser de liens.