past life

I wish that I could be perfect sometimes
Il n’y avait pas plus monotone que les cours du samedi matin. École achevée pourtant la veille au soir, les deux têtes blondes devaient se farcir en plus des cours spécifiques durant le week-end. Si l’un semblait prendre à cœur de jouer avec un crayon, le faisant virevolter entre ses phalanges sales, l’autre ne faisait rien de moins que griffonner sur la feuille devant lui. Aucun ne semblait enclin à écouter quoi qu’il en demeure, au grand damne du géant dont la voix s’était tue sous le désintérêt de sa progéniture. « RHŸSAND, KÄLE ! Dites-le moi si j’vous emmerde ! » Regard en coin de la part des jumeaux, avant que finalement, le plus diplomate des deux ne repose son crayon et ne croise les bras devant lui. « Maintenant que tu le dis papa… » Le regard noir fut suffisant pour faire taire les deux gamins âgés de 12 ans alors, avant que le quarantenaire ne se rapproche. « Un jour mes garçons, vous prendrez la relève, et croyez-moi, les autres chasseurs ne vous ferons pas confiance si vous êtes incapables de traquer un fouteur de merde. Alors un peu de concentration ! » Un regard entre les jumeaux, le soupir au bord de la lippe avant qu’ils ne reprennent une position un poil plus intéressé, mais guère plus… Sans doute la faute au temps radieux au dehors et la promesse d’une journée d’amusement en conséquence. Peut-être fut-ce cela qui convainquit le vieux chasseur d’abréger la théorie, qui, il devait bien le reconnaitre, était réellement ennuyeuse. Les sirènes et les tritons… quoi de plus ennuyeux que ces poissons rouges ? Frappant finalement dans ses mains… « Okay les garçons, traque au loup. Rhÿsand, tu fais le loup. » Et voilà comment on apprend à des gamins à traquer un lycanthrope. Il s’avéra que la théorie viendrait à les intéresser une année plus tard, sans doute en raison de la naissance de leur petite sœur, joyau de la famille que les jumeaux s’étaient jurés de protéger coûte que coûte. L’un d’eux se prit même de passion pour l’érudisme, l’autre en revanche… était bien plus porté sur les muscles.

Fight the fear
Contrairement à ce qu’il avait tendance à penser et clamer tout haut, le paternel n’était pas mort sous l’égide d’une créature chassée. Lui qui rêvait d’honneur et de gloire, s’était fait bouffer par le cancer. Phase terminale, poumons. Le cimetière était remplie de ses amis, chasseurs, civils… et dans le fond, quelques rares créatures ayant éprouvé un certain respect pour l’homme qu’il avait été. Amis ou ennemis, tous étaient venus rendre hommage au vieux. Encadrant une mère lasse et aux yeux rougis, les jumeaux veillaient à présenter une stature forte, l’un tenant par la main la plus jeune sœur âgée désormais d’une quinzaine d’années et dont les sanglots auraient fait fondre n’importe qui. Cérémonie sobre pour une veillée aux souvenirs à faire pleurer de rire sous les anecdotes parfois inédites. L’un des jumeaux, notre héros sans doute, assis sur le perron, clope au bec. Le regard courroucé de la cadette dont les phalanges viennent tirer la putain au bas blanc pour l’écraser sous son talon. « Vraiment mature Rhÿs. » L’exaspération sous les lèvres de l’intéressé, avant que son jumeau ne vienne le rejoindre, sans doute pour faire front commun contre la petite harpie en devenir. A bien y regarder, rien n’aurait pu différencier les jumeaux, qu’il s’agisse de leur stature, de leur manière de se raser ou de se coiffer. Stratégie équivoque pour perturber les autres sans aucun doute. Mais la dernière-née savait toujours comment les différencier, sans doute par le biais de la chevalière que chacun portait différemment. « Papa comptait sur vous, ne le décevez pas… et ne jouez pas les héros. » Mature la gamine, qui déjà s’enfuie à l’intérieur de la maison, laissant les jumeaux entre eux, bientôt rejoint par d’autres anciens collègues de leur paternel. L’heure de prendre les rênes et de les tenir fermement, de prêter serment de protéger le faible contre le mal, quelle que soit sa forme. D’être le bouclier et l’épée.


I've got fire in my soul
Il était persuadé d’avoir trouvé la femme de sa vie. Intelligente, drôle et belle de surcroit. Il était rapidement tombé sous le charme de cette dernière. De flirt innocent autour d’une bière à des invitations au restaurant, il s’était découvert un trait de caractère qu’il ne se connaissait pas avec elle. Son rire suffisait à lui faire tourner la tête, sa manière de se glisser contre lui, serpentine, le rendait suffisamment fou pour qu’il délaisse le bar afin de l’honorer dans l’arrière-boutique. Passion aussi brulante que les rayons d’un soleil d’été. Peut-être allait-il la présenter à sa famille. Officiellement tout du moins, la cadette ayant eu la chance – ou la malchance – de faire sa connaissance alors qu’elle se rendait dans l’arrière-boutique pour récupérer une bouteille de gin. Présentations sommaires et embarras dans la voix de l’homme qu’il était désormais. Il savait d’ores et déjà que sa mère accepterait la jeune femme comme si elle faisait déjà partie de la famille… En revanche, pour Käle, le combat serait tout autre. Pas du genre possessif, il avait toutefois cette tendance à se méfier de tout un chacun, œillade circonspecte à chaque arrivée d’une nouvelle personne dans leur entourage. Frère protecteur, peut-être un peu trop. Terminant d’une traite sa bière, il se délesta de la bouteille dans la poubelle prévue à cet effet avant de fermer le bar. C’était l’autre facette de son âme qu’il irait voir en premier pour amorcer l’évènement à venir. Contrairement à lui, le jumeau préférait vivre sur une vieille péniche qu’ils avaient retapé ensembles, c’était sans doute là-bas qu’il le trouverait. Silhouette accompagnée d’une autre qu’il ne connaissait que trop bien pour l’avoir apprise par cœur, traitrise au bord du cœur jusqu’à ce que l’impensable ne se produise, lèvres qui se rencontre pour la chute dans les eaux profondes, le hurlement sous ses lippes mais l’arrivée bien trop tardive. Le cœur qui se morcelle, le souffle qui manque sous l’impression qu’une partie de lui-même s’est tue à tout jamais. Douleur incommensurable, incapacité à passer outre, délire permanent. Vengeance qui vient noircir le palpitant. La belle traitresse mourra de sa main, putain de sirène dont le charme s’est brisé, et pourtant, la satisfaction d’un mauvais tour bien joué, si la belle souhaitait s’accoupler, elle a pris le mauvais cheval, stérilité de celui qu’elle a noyé. Il attends le retour de sa dulcinée, lame prête à l’embrocher.